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L’utopie Des Quads Sur Les Routes Québécoises

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Nous avons abordé l’été passé le sujet des quads circulant librement sur les routes. Il serait peut-être intéressant de pousser un peu plus loin la réflexion sur le sujet. À voir les nouveaux véhicules que les fabricants mettent sur le chemin avec la complaisance du gouvernement, tels que les Can Am Spyder ou les Polaris Slingshot, on se plait à penser que les quads pourraient aussi rouler sur la voie publique si telle était la volonté des décideurs. Cela ne pourrait pas être pire que les poussifs cyclomoteurs qui se trainent à 50 km/h sur toutes les routes du Québec (NDA : autoroutes exceptées). Les quads ne sont-ils pas admis sur les routes dans d’autres juridictions sur la planète?

Les quads sur les routes aux États-Unis

Tout le monde sait qu’en Europe, les quads dits homologués peuvent circuler sur les routes, mais peu savent qu’aux États-Unis, trente-cinq états permettent la circulation des quads sur les routes publiques. Il faut comprendre que les différents états le permettent à différents niveaux : aucun ne le permet sur les autoroutes, mais l’éventail des routes permises va de l’ouverture de la circulation sur les routes asphaltées jusqu’à la prescription de circulation sur l’accotement seulement et ce, sur routes à vitesse de référence et des distances variables. Mais c’est quand même 70% des états qui ont une ouverture à la circulation des quads sur les routes publiques. Dans la très grande majorité des cas, on ne demande aucune modification ou ajout aux quads, ne serait-ce qu’un rétroviseur.

Or, qui dit circulation sur les routes, dit accident et malheureusement, décès. La très sérieuse organisation américaine Insurance Institute for Highway Safety (IIHS) relève, selon les données disponibles, qu’il y a eu 1701 décès d’occupants de quad sur les routes américaines durant les 5 dernières années : 1482 conducteurs et 210 passagers. Pour finir de clouer le clou du cercueil, l’organisme prend le soin de mettre en lumière que le nombre d’accidents fatals augmente deux fois plus vite sur les routes que hors route.

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Dans les facteurs atténuants qu’il est très intéressant de relever, nous remarquons que 13% des conducteurs et 6% des conducteurs tués seulement portaient un casque de sécurité. Cela est impensable ici. 43% des conducteurs tués avaient un taux d’alcoolémie supérieur à 0.08. Près d’un sur deux! On ne se surprendra pas que la vitesse soit identifiée dans les rapports de police comme facteur contributif dans 42 % des accidents mortels. Enfin, 75% des accidents ne comportent qu’un quad (dont 56% avec capotage) et 5% impliquent deux quads ou un autre type de véhicule.

Un tel taux de mortalité n’est pas surprenant quand on considère le cocktail explosif d’un taux d’alcoolémie approchant les 50% et l’absence généralisée du port du casque protecteur dont seulement 8 états exigent le port.

Toujours selon l’IIHS, l’autre facteur contributif d’accident est la conception même des quads qui ne sont pas conçus pour la route.

  • Danger de capotage : le haut centre de gravité, l’empattement court et le différentiel barré de l’essieu arrière favorisent le capotage lorsqu’un virage est négocié rapidement.
  • Les pneus à basse pression mal adaptés au bitume : Spécifiquement construits pour usage hors route, ils interagissent mal avec l’asphalte.

Évidemment, ces facteurs augmentent le risque de perdre le contrôle du véhicule, surtout aux vitesses indiquées sur les routes nationales.

Ceux qui sont favorables à un plus grand accès des quads sur les routes publiques disent que les risques ont été exagérés. Questionnés à ce sujet en 2013 par le journal Star Tribune, les shérifs des comtés Koochiching and Cook du Minnesota du Nord, disent qu’ils n’ont pas vu d’évidence que le quad était devenu un péril sur les routes depuis leur autorisation en 2009.

« Je suis agréablement surpris qu’il ait eu très peu d’accidents », déclarait un shérif nommé Leif Lunde au Star Tribune alors qu’il craignait le contraire lors de l’autorisation des quads sur les routes.

Poussant l’enquête plus loin, les journalistes du Star Tribune ont relevé 13 décès d’enfants en VTT sur les routes du Minnesota entre 2003 et 2013. Sur 150 accidents examinés, il appert que 40% des accidents impliquent des jeunes de moins de 16 ans au guidon d’un quad conçu pour les adultes. C’est un fléau qui a été souligné aux quatre coins du pays et c’est d’ailleurs une des principales préoccupations de sécurité des fabricants de quads.

Avant de tenir pour acquis le chiffre brut des décès pour balayer du revers de la main la présence des quads sur les routes, il est important de mettre en lumière que le comportement et l’âge de l’utilisateur sont peut-être davantage des facteurs d’accident que la conception du véhicule qui, il faut en convenir, n’est pas idéale pour circuler sur l’asphalte. Ce constat semble se confirmer par l’intégration harmonieuse des quads sur les routes en Europe.

Les quads sur les routes d’Europe

L’imaginaire de tous les quadistes québécois a été frappé par l’image de quads circulant dans le centre-ville de Paris, chose inconcevable ici. La densité de population étant beaucoup plus importante qu’au Québec, il y a très peu d’espaces libres et surtout pas de réseau de sentiers de quad. Les quadistes sont forcés de rouler sur les routes par endroits pour se déplacer. Afin d’encadrer ces déplacements, les autorités ont décidé d’introduire en 2001 l’homologation des quads pour se déplacer sur les routes.

Tous les pays d’Europe n’appliquent pas la même règlementation et la France est une des plus restrictives à ce chapitre. Brièvement, les quads doivent techniquement être équipés avec rétroviseurs, klaxon, clignotants et surtout être bridés à une puissance de 20HP. Tous les quads, même les puissants 1000cc, ne peuvent circuler sur les autoroutes et voies rapides, mais sont permis de circulation sur les routes normales asphaltées et les chemins en gravier.

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Le collègue Francis Pierrel, qui était jusqu’à tout récemment rédac-chef du magazine français Quad Pratique, a vécu l’intégration des quads dans la circulation sur les routes depuis les débuts en 2001. Alors que tout le monde prévoyait l’apocalypse, le tout s’est déroulé sans heurts. Il y a bien des têtes brulées qui ont fait le tour du périphérique de Paris en Raptor, mais c’est une très petite minorité.

Et pourquoi pas le Québec?

Le Québec n’est pas fermé à la circulation des quads sur les routes, mais le ministère des Transports (MTQ) a délégué aux municipalités via l’article 626, 14o alinéa la responsabilité « permettre, sur tout ou partie d’un chemin public dont l’entretien est à sa charge, la circulation de véhicules hors route ou de certains types de véhicules hors route dans les conditions et pour les périodes de temps qu’elle détermine ». Évidemment, plus loin dans l’article, le MTQ se garde une porte de sortie et peut désavouer un règlement municipal jugé non conforme dans un délai de 90 jours. Il existe 2 000 km (quand même!) de sentiers partagés avec la circulation automobile sur le territoire du Québec en vertu de cet article, ce qui représente 1% du réseau routier du Québec.

Les municipalités hésitent à exercer leur pouvoir en vertu de cet article pour deux raisons principales. La première étant une méconnaissance du mécanisme qui leur permet de voter un règlement municipal pour la circulation des véhicules hors route sur une section de route. La deuxième est qu’ils craignent surtout les plaintes des citoyens et la circulation indésirable (lire illégale) des quads ailleurs dans la municipalité. Dans la grande majorité des cas des plaintes de citoyen, il s’agit de problème d’intolérance plutôt qu’un réel problème de nuisance publique, car ils concentrent leur attention sur ce qui leur plaît de détester. Il ne s’agit pas ici de dire qu’il faut bafouer le droit à la quiétude des citoyens, mais plutôt d’évaluer objectivement l’inconfort réellement causé par le passage d’un quad. Est-ce réellement plus dérangeant qu’une moto ou un camion et est-ce que ça soulève plus de poussière qu’une automobile dans une route gravelée? Quant aux problèmes de jeunes qui gravitent dans le centre des villages avec des motocross ou de vieux quads sans silencieux, ils continueront à le faire, peu importe la règlementation en vigueur.

Enfin la question qui tue : combien y a-t-il eu d’accidents mortels impliquant un motoquad ou autoquad circulant sur les chemins publics dans la dernière décennie?  « Aucun! » répond à cette question Dany Gagnon, directeur général de la FQCQ. D’ailleurs, le MTQ inscrit sur son site internet : « Fait à noter, la quasi-totalité des accidents de quad surviennent en dehors des sentiers et pourraient être évités par l’observation de la Loi et des règles de sécurité. ». Peut-être que nous sommes en présence d’une situation d’appréhension d’un problème plutôt qu’un réel problème de sécurité. Nous pouvons aussi raisonnablement suggérer que les problèmes de comportement du conducteur/propriétaire qui sont observés aux États-Unis ne sont pas d’actualité ici.

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L’opportunité qui s’ouvre dans le contexte législatif

Le processus gouvernemental entrepris depuis 5 ans pour établir un réseau durable semble s’essouffler, car de toute évidence, cela n’est plus dans les priorités du MTQ. Plusieurs points chauds restent infranchissables et le réseau des CRÉ qui était porteur de dossier a été dissous en 2014 par le gouvernement libéral sans qu’on ait désigné quelqu’un pour les remplacer. Alors que le dossier des sentiers durables est dans un flou, il nous semble que l’ouverture des routes municipales rurales donnerait une bonne impulsion pour compléter ce dossier.

Nous suggérons que sur les routes rurales avec une vitesse de référence inférieure ou égale à 70 km/h (ce qui correspond aux routes gravelées plus propices à la construction intrinsèque d’un quad) soit permise d’emblée à la circulation des quads et autoquads. À nos yeux, l’imputabilité des règles de circulation du CSR aux véhicules hors route circulant sur les routes qui a été votée en décembre dernier est déjà un pas crédible pour permettre la circulation des quads dans cette situation. En plus de ces exigences, il pourrait être exigé d’avoir des clignotants et un klaxon conforme afin d’assurer la meilleure communication possible des intentions du conducteur aux autres usagers de la route. Les autres sections de route resteraient soumises à l’article 626 du CSR en ce qui a trait à la circulation des véhicules hors route sur les chemins publics.

Le timing est bon, car la priorité actuelle du ministre des Transports est la refonte du Code de sécurité. Nous pensons que cette proposition mérite d’être étudiée sans préjugé et en ayant à l’esprit les contextes économiques, sociaux et des statistiques de la sécurité de la circulation des quads au Québec. Toutes les fois où, dans un climat de confiance, le gouvernement a élargi sa règlementation pour favoriser la circulation des quads, la communauté des quadistes du Québec s’en est montrée digne.

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