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La vraie histoire de la crise du siège passager

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Lors du dernier Festival Quad Matapédien tenu à Amqui, j’ai eu le plaisir de me retrouver avec Danny Gagnon, Réjean Blouin et Steve Maillet assis autour d’une table sur la terrasse de notre hôtel. Évidemment qu’on parlait de quad et d’autres jouets qui sentent l’essence, mais on rebrassait aussi nos souvenances des événements marquants de l’histoire québécoise du quad et de la Fédération. Les vieux routiers qui roulent leur quad dans les sentiers depuis plus de dix ans se souviendront de la première crise politique que le quad a vécue depuis ses débuts : la crise du siège rajouté du passager. C’est une époque qui a porté sur presque une décennie et qui a laissé des stigmates profonds dans la mémoire collective des quadistes. Acteur de premier plan, Danny Gagnon nous a raconté en détail la petite histoire de la crise du siège passager.

La vraie histoire de la crise du siège passager
La vraie histoire de la crise du siège passager

Si l’on se remet dans le contexte du début des années 2000, le parc de véhicules hors route était constitué en majorité de quad sport et de quads utilitaires à quatre roues motrices. Nous étions dans l’époque de la suprématie des quads monoplaces japonais alors que les fabricants américains commençaient avec peine à s’implanter sur le marché. L’activité commençait à devenir un loisir social et les groupes de randonneurs se formaient pour faire des périples organisés. Désirant rouler en couple, il était usuel qu’un propriétaire de quad installe un siège de passager en plastique moulé avec des marchepieds sur le porte-bagage des véhicules. Toute la province roulait comme cela, et cela depuis l’édiction de la Loi sur les VHR sanctionnée le 23 décembre 1996.

Tout allait bien dans l’univers quad québécois, car si la Loi était floue au sujet du passager, personne n’en questionnait la légalité et la force constabulaire avait d’autres chats à fouetter que de contrôler le quadiste qui roulait peinard avec sa conjointe sur son quad. Cette situation a perduré jusqu’à ce qu’un groupe de formateurs de l’École nationale de police du Québec commence à ratisser dans les sentiers du club quad Mauricie et se mette à intercepter les quadistes et à donner des avertissements sévères aux quadistes concernant le transport de passagers avec un quad. Les aventures en sentiers ont été relatées sur le forum de discussion Quadnet, fort influent à cette époque et une psychose s’est emparée du monde quad au Québec. On ne sait pas si des infractions ont été émises en Mauricie, mais deux l’ont été au Bas-St-Laurent et ça aussi, Quadnet l’a diffusé.

La vraie histoire de la crise du siège passager
La vraie histoire de la crise du siège passager

En fait, le problème du siège passager rajouté découlait de l’article 21 de la Loi qui était vague et laissait beaucoup de discrétion dans l’interprétation de l’article libellé comme suit:

21. Ne peuvent être transportés sur un véhicule hors route plus de passagers que la capacité indiquée par le fabricant.

À défaut d’indication du fabricant, un seul passager peut être transporté sur une motoneige et aucun sur les autres véhicules hors route.

Un passager supplémentaire peut être transporté si le véhicule est muni d’un équipement additionnel, prévu à cette fin et installé selon les normes du fabricant.

Le premier alinéa est clair : l’étiquette apposée sur l’aile indique toujours qu’il ne peut y avoir de passager autre que le conducteur sur un véhicule monoplace. Le deuxième alinéa limite la possibilité de transporter un passager sur une motoneige seulement. C’est le troisième alinéa qui a alimenté les espoirs de la communauté quadiste. Il permettait de transporter un passager si une installation prévue à cette fin et installée selon les normes du fabricant. De quel fabricant? Certains pensaient au fabricant du quad, qui interdisait le passager, mais permettait un poids de 200 livres sur le porte-bagage, d’autres disaient le fabricant du siège. Disons seulement que lorsque la soupe est devenue plus chaude, les fabricants de sièges ont refusé de donner des normes, ne serait-ce que sur la façon de fixer le siège, et ont plutôt moulé dans le plastique de leur siège l’indication « pas de passager – repos du conducteur seulement ». Tout reposait sur l’indication de poids permis sur le siège de passager, mais l’argument était loin de convaincre le gouvernement.

La vraie histoire de la crise du siège passager
La vraie histoire de la crise du siège passager

Le chantier de faire modifier la Loi

La FQCQ ressentait la pression de la base de quadiste qui ne voulait rien savoir de la possibilité d’être harassé en sentier parce qu’ils transportaient un passager sur un siège. Les manufacturiers de quad refusaient catégoriquement de permettre l’ajout d’un siège passager, mais certains proposaient plutôt un modèle deux places pour répondre au marché. Mise sous les projecteurs, la Sûreté du Québec, étant un organisme chargé de l’application des lois, affirmait qu’elle appliquerait la Loi telle qu’édictée par le gouvernement du Québec et qu’elle ne pouvait pas considérer de garantir une immunité aux quadistes par rapport au siège du passager. La Loi devra être modifiée. Malgré la démonstration par la FQCQ de l’absence totale d’accident dans les sentiers dans la dernière décennie, le gouvernement restait campé sur ses positions d’appliquer l’article 21. Dans ce contexte, la FQCQ se trouvait dans l’obligation de démontrer la sécurité de la circulation des quads avec siège passager rajouté en milieu de sentier fédéré afin de faire changer la Loi.

La FQCQ entreprit donc un chemin de croix afin de faire valoir le bien-fondé de son argumentaire. Suite aux demandes pressantes de cette dernière, le MTQ a commandé une étude d’un ingénieur/chercheur en mécanique dont les coûts étaient séparés entre l’industrie et le Ministère. La première étude d’ingénieur vérifiait la capacité des quads à résister au renversement à des angles déterminés. Les quads testés étaient installés sur une plaque d’acier qui était inclinée à des angles prédéterminés avec des vérins hydrauliques. Les résultats mitigés, les pressions de l’industrie qui n’étaient pas d’accord avec l’idée ont eu raison des espoirs de la FQCQ, car le MTQ a statué qu’il gardait le statu quo dans le dossier.

La vraie histoire de la crise du siège passager
La vraie histoire de la crise du siège passager

La FQCQ a protesté devant la position du MTQ. Les paramètres ne reflétaient en rien la réalité de la circulation des quads sur le terrain. Le MTQ accepta donc de refaire une autre étude avec le même ingénieur/chercheur, cette fois défrayée à parts égales par le MTQ et la FQCQ. Cette étude portait sur deux aspects distincts : la solidité à l’arrachement d’une installation type de siège rajouté et de comportement dynamique dans des conditions intenses avec des configurations différentes de chargement. La brochette des tests était des plus complètes. Les véhicules sélectionnés sont munis de suspensions arrière rigides, indépendantes ou semi-indépendantes qui sont exclusives à Arctic Cat et qui n’est plus vendue depuis belle lurette. Les tests se déroulent sur des pentes 25 % et 50% avec pilote seul, pilote avec passager et pilote avec charge de sac de sable conforme à celle indiquée sur l’étiquette sur le porte-bagage. Les manœuvres à exécuter étaient l’accélération en montant, le demi-tour en descendant et accélération en montant en passant par-dessus une bille de bois de 6 pouces de diamètre, toutes avec les trois conditions de charge.

La solidité des installations des sièges ne présentait aucun problème, car les normes ont été excédées de cinq fois. Quant aux tests dynamiques, le conducteur désigné était Danny Gagnon lui-même qui est un excellent pilote pour conduire ces tests. Les tests ont été réussis avec le pilote seul et avec passager, mais ont échoué avec la charge fixe. La raison étant que le passager déplaçait instinctivement son poids sur le véhicule, aidant ainsi le pilote alors que le poids fixe ne bougeait pas et augmentait le centre de gravité.

C’est en raison de l’échec avec les poids fixes que le MTQ refusa les conclusions du rapport et d’accepter le siège de passager. C’est un peu paradoxal, car ce sont les conditions de circulation permises par les fabricants (poids mort sur porte-bagage) qui ont coulé l’étude et non pas le transport du passager. Rien à faire, le MTQ est intraitable et c’est le statu quo.

La vraie histoire de la crise du siège passager
La vraie histoire de la crise du siège passager

C’est la dévastation dans le monde des usagers du quad et une vague de mécontentement monte partout en province. Tout le monde en parle en 2008 : les forums de discussion sont en ébullition, les gens essaient de se rassurer auprès de la Sûreté du Québec qui ne peut que répéter qu’elle est une organisation chargée d’appliquer les Lois, des rumeurs fusent de toutes parts sur des billets d’infraction reçus, un club quad du Bas-St-Laurent a fait développer par un avocat un avis légal sur le sujet et cherchait en vain un policier pour recevoir un billet et aller plaider la cause en cour. C’est dire l’ampleur que la question soulevait dans la communauté quad.

La FQCQ, portée par la pression populaire, reprit le bâton du pèlerin et demanda encore une fois la révision du dossier, alléguant avec raison que c’est la charge morte qui a coulé le dossier. La charge sur le porte-bagage est pourtant autorisée par l’industrie. De plus, quel crétin de conducteur irait monter dans une pente de 50 % avec un passager, même avec un quad deux places, et encore pire, faire demi-tour en descendant une telle pente ?! Enfin, les conditions de test exagèrent encore une fois la réalité de circulation qui existe dans les sentiers fédérés. Pour la communauté quad, on ne peut accepter que des quads monoplaces avec des passagers circulent depuis plus de dix ans dans les sentiers fédérés, sans accident grave, et que le sort soit scellé sur une étude qui aurait dû être concluante pour l’acceptation du passager. Les anciens se souviendront qu’un rassemblement s’était même organisé pour aller manifester sur la Colline Parlementaire en quad! Forte de ses arguments et supportée par la grande mobilisation du monde quad, la FQCQ obtient la tenue d’une troisième étude.

La troisième étude, faite sous la houlette du même chercheur de l’Université du Québec à Rimouski, comporte la même gamme de tests avec les mêmes véhicules : tests de renversement sur des tables hydrauliques, slaloms entre une rangée de cônes, accélération en montant une pente, tourner en rond en augmentant la vitesse, etc. Finalement, le rapport fut concluant pour certifier que les manœuvres sensées peuvent être sécuritaires jusqu’à une pente de 25%.

La vraie histoire de la crise du siège passager
La vraie histoire de la crise du siège passager

Du rapport technique à la législation

Comme tout le monde le sait maintenant, la Loi fut modifiée pour permettre de circuler avec un passager sur un quad monoplace avec un siège rajouté, selon certaines conditions qui peuvent sembler strictes. Intégrer le rapport à la Loi n’est pas simple pour le législateur. Pour ce faire, il lui faut se subroger aux fabricants pour garantir la sécurité de la conduite du quad monoplace modifié, transgressant ainsi l’avis des manufacturiers. Il a donc instauré des mesures pour s’assurer que les paramètres contrôlés dans l’étude seront respectés sur le terrain. Tout d’abord, la pente de 25% a été abaissée à 17% afin de s’assurer d’une marge de manœuvre supplémentaire. Ensuite, comme il se devait de contrôler la présence des pentes qui respectent les limitations du rapport, la solution a été de limiter la permission au réseau de la FQCQ, car les fortes pentes sont répertoriées. De surcroît, la responsabilité a été dévolue aux clubs d’utilisateurs de mesurer le pourcentage d’inclinaison des pentes sur leur territoire et d’installer la signalisation pour obliger le conducteur de faire descendre le passager. Enfin, afin de permettre à un conducteur de quad de conduire un quad monoplace modifié, le législateur a mis toutes les chances de son côté et a exigé qu’il y ait une formation de donnée avec un certificat à l’appui. Ainsi donc, la formation n’est pas diffusée par la FQCQ parce qu’elle y prend plaisir, mais parce que c’est une concession qu’elle a dû faire pour obtenir la conclusion du dossier.

Voilà donc la vraie histoire de la saga du siège du passager qui s’est conclue grâce à la mobilisation générale de la communauté quadiste du Québec et à la ténacité de la FQCQ dans son action politique. Voici un parfait exemple que la communauté Québequad peut influencer le cours des choses lorsqu’elle est se tient debout, unie en regardant un objectif commun.

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