La société québécoise ELKA Suspension a au moins un point commun avec Apple, Google, Amazon ou Bombardier. L’activité a commencé dans un garage, en 2000, sous l’impulsion de trois personnes, les frères Martin et Jean-François Lamoureux ainsi que Marc-André Kingsley.
ELKA Suspension, c’est la haute couture de l’amortisseur, une suspension adaptée à partir des besoins et de l’utilisation du propriétaire.
Martin Lamoureux est le président de la société basée à Boucherville, sur la Rive-Sud de Montréal. La page Bâtisseur aurait dû lui être consacrée, mais il n’a pas voulu se mettre seul en avant, car ELKA Suspension est une œuvre commune selon lui.
Ce n’est pas la première fois que Martin refuse cet honneur ou individualité. Il avait déjà fait la même réponse dix ans avant. Force est de reconnaître que 20 ans après la création de l’entreprise, les trois créateurs sont toujours à leur poste.
Idée de départ
L’idée de départ était d’améliorer la suspension de quad utilisée en compétition ou en sentiers. Le Québec est une terre de prédilection pour les courses de VTT et les années 2000 correspondaient aux années fastes, avec des épreuves de MX comme celles organisées par la CMRC, Courses VTT, le Supermotocross de Montréal, sans oublier l’enduro ou les 12 Heures d’endurance de La Tuque. Et que dire du marché américain ?
En 2002, Elka était champion GNCC US avec William Yokley. 2003, c’était la victoire dans les séries SCORE Baja et Best in the Desert, avec Doug Eichner et l’équipe officielle Honda US. En 2002/2003/2004 c’est avec Doug Gust sur l’équipe Suzuki USA qu’ils ont remporté le championnat National MX. Par la suite, en 2006, John Natalie a remporté ce même titre avec l’équipe American Honda. Depuis, une multitude de championnats sont gagnés chaque année sur des amortisseurs Elka dans diverses disciplines telles que SCORE Baja, Quad des Nations, WORCS de 2009 à 2019 et ATV-MX. Cette année encore, le pilote Ignacio Casale a remporté le prestigieux rallye Dakar sur les produits Stage 5. Du côté UTV, les pilotes Elka ont remporté le fameux Baja 1000 en classe Pro Stock ainsi que la course King of the Hammers 2020 avec le pilote Can-Am Hunter Miller.
Les amortisseurs d’origines avaient du mal à supporter le traitement que leur infligeaient les pilotes en compétition ! Martin Lamoureux, lui-même pilote d’enduro, raconte qu’il a vu des suspensions fondre tellement l’huile était sollicitée.
Première mission de l’entreprise
La première mission de l’entreprise a été de créer des systèmes d’amortisseurs renforcés et adaptés à l’usage. Certains possèdent un réservoir d’huile extérieure, le fameux «piggy back». La contenance d’huile est augmentée pour abaisser l’échauffement.
La politique première était d’éviter la production industrielle. Le produit n’est pas stocké fini, il est assemblé plutôt à la demande, selon les choix du client, en tenant compte du poids, de la discipline sportive et de nombreux autres paramètres. C’est toujours le cas aujourd’hui pour la plupart des modèles, mais l’offre s’est diversifiée.
Jusqu’en 2007, Elka Suspension a surfé sur le quad. Mais la crise financière de 2008 a frappé, et les ventes ont chuté de 50% en un an, suivant la courbe des ventes des quads. Pour survivre, les effectifs ont été réduits à ce moment-là.
C’est dans ces tourmentes que l’on voit la valeur des chefs d’entreprise. Nos trois créateurs se sont remis en question et ont diversifié l’offre, un projet qui était dans l’air avant 2008. Les systèmes d’amortisseurs sont maintenant développés pour de nombreux autres véhicules dont la motoneige, le côte-à-côte, le Spyder, et même le camion. Les propriétaires de F150, RAM, Tacoma, Chevrolet, et bientôt Jeep découvrent l’importance d’une bonne suspension, aussi bien hors route que sur l’asphalte
Des applications sont également développées pour l’armée et pour de nombreuses demandes particulières.
À l’aube de ses vingt ans d’existence
Elka Suspension a ajouté de nouvelles cordes à son arc. Elle emploie maintenant plus de 35 personnes sans compter les sous-traitants et consultants.
90% de sa production est distribuée à l’export, dans toute l’Amérique du Nord et du Sud, en Europe, en Australie, en Russie. À travers plus de 1000 points de vente, Elka fait briller les drapeaux du Québec et du Canada dans le monde entier !
Les trois mousquetaires d’Elka Suspension :
Les créateurs sont composés de deux frères et un ami qui se sont rencontrés sur la Rive-Sud de Montréal grâce à la moto dont ils étaient tous trois adeptes.
Martin Lamoureux :
C’est lui qui a commencé à mettre les mains dans les suspensions, répondant à une demande d’amis et compétiteurs qui le côtoyaient sur les circuits ou les sentiers. Il est le président d’Elka.
Il est né en 1971 à Charlesbourg, un des six arrondissements de Québec. Son père est dans la distribution électrique et très vite la famille déménage à Saint-Basile-le-Grand, sur la rive sud de Montréal.
Il monte sur une moto à 7 ans, une Suzuki RM80, et c’est la révélation. C’est sa vie !
Il commence à courir à moto, en Cross-Country, à la CMA à 14 ans, puis à la FMSQ. Très jeune, il travaille pour financer tout cela. Son école, c’est plutôt celle de la vie, avec un travail en agriculture qui lui permet d’être proche de la nature. Il occupe aussi un emploi dans l’entreprise de distribution électrique paternelle. Tout cela lui donne les bases de l’entreprise et de l’entrepreneuriat. Il commence par modifier des suspensions dans un petit garage de Boucherville. À 28 ans, le passe-temps deviendra une aventure industrielle et humaine.
Il s’occupe de la compétition et du développement de marché. Les premières victoires américaines l’ont donc enthousiasmé. Il s’est impliqué très tôt dans les regrettées 12 Heures d’endurance de La Tuque pour faire venir des équipes européennes ou américaines avec des pilotes comme Romain Couprie, Dustin Nelson, David Haagsma, Beau Baron. Martin voulait donner une image comme les Bajas ou Le Touquet. Il a fait venir la presse américaine. La course de La Tuque a été aussi un formidable terrain d’essais, car la piste était redoutable. Ne parlons pas des pilotes québécois, ils sont trop nombreux pour les citer.
Retour en compétition
Martin Lamoureux a fait un retour en compétition à 33 ans, sur la Baja 1000 où il a fini 3e en moto catégorie Pro. Il a également participé aux Baja 500 et 250.
Pour ses loisirs, il aime se retirer sur ses terres à St-Michel-des-Saints et faire du motocross avec ses deux enfants qui ont maintenant 25 et 14 ans. Son côté agriculteur ressort, et il aime cultiver ses fruits et ses légumes.
Pour la fin de l’entrevue, je lui pose la question qui tue, avec les projecteurs lumineux dans la face : « Pourquoi n’êtes-vous pas sur des véhicules de première monte ? »
La réponse ne se fait pas attendre : « Nous voulons être le ‘’leader’’ en ‘’aftermarket’’. C’est notre ADN. Nous apportons une solution plus efficace que l’originale, en l’adaptant à la personne et à son utilisation. »
Jean-François Lamoureux :
Le frère de Martin est né à Montréal, 3 ans après lui. Il a donc vécu à Saint-Basile-le-Grand, et commencé la moto à 7 ans. Très proche de son frère, il a suivi un peu le même parcours: école de la vie, modification de suspensions et moto d’enduro. Il a suivi un cours de gestion et exploitation d’entreprise agricole. Il s’est occupé professionnellement de son propre verger qu’il a revendu pour payer ses parts de la société.
Son poste dans l’entreprise est Vice-Président CPO, responsable de la production et des achats. Depuis 2008, il est plus focalisé sur les achats. Au début, il s’occupait de l’assemblage. Des milliers d’amortisseurs lui sont passés entre les mains. Jean-François a suivi des cours de dessin technique et a dû faire face à la croissance rapide de l’entreprise qui s’est soldé par deux doublements de la surface des locaux en un an et demi d’activités, et un déménagement 5 ans après.
Il se rappelle particulièrement le lancement de l’Elka Stage 5, un amortisseur plus performant qui a demandé deux ans de développement.
Il aime faire de la moto et du VTT à Saint-Michel-des-Saints, avec sa fille de 16 ans et son fils de 13 ans. La vie au plein air fait partie de ses loisirs. Son plaisir coupable est de manier le Bulldozer et la pelle mécanique.
Marc-André Kingsley :
À 44 ans, le plus jeune des trois créateurs est né à Montréal et a vécu sur la Rive-Sud, à Ste-Julie et St-Bruno. À 10 ans, il enfourche sa première moto, une Yamaha TY 250 qui lui donnera le virus.
Il passe un diplôme de menuisier, travaille dans la construction, et entre au HEC où il apprend la finance, les mathématiques comptables et les valeurs mobilières.
Il est employé comme conseiller en placement, mais sa passion est ailleurs.
Sa passion, c’est la moto, sur asphalte et hors route, pour aller au travail. Son chemin croise tout naturellement celui des frères Lamoureux aussi bien sur les pistes qu’au garage.
Les plans d’avenir se dessinent. Chacun possède une force pour la future entreprise.
Son expérience bancaire permet de trouver les montages financiers et les aides pour démarrer la société. Marc-André est aussi Vice-Président Opérations d’Elka. Il supervise également les ventes internes et la R&D (recherche et développement).
Pour ses loisirs, il aime rouler à moto avec ses enfants de 10 et 11 ans, qui ont débuté le deux-roues à 4 ans. Ses autres loisirs sont la chasse et la pêche. Chasse au chevreuil dans les Cantons de l’Est et pêche au saumon en Gaspésie et sur la Côte-Nord.
Les trois créateurs se rejoignent sur leurs valeurs. Et sur leur vision de la société. Elka est arrivée à ce niveau grâce à son équipe d’employés. Certains travaillent ici depuis plus de quinze ans, c’est une équipe tissée serrée, qui se soutient. La force d’Elka c’est sa vision novatrice constante, sa capacité à trouver des nouveaux marchés, et à apporter une amélioration notable aux suspensions d’origine.