«Cinq cennes la place, dépêchez-vous, le spectacle va commencer ! ». À huit ans, Chantal Contant organise des spectacles avec ses amis dans la cour des voisins, avec le drap qui sèche en guise de rideau de scène. L’argent récolté sert à acheter des bonbons avec les amies. C’est son premier acte de femme d’affaires.
Chantal Contant est née à Laval, le 4 octobre 1966. L’année, ça ne se dit pas, mais elle l’assume fièrement et semble repousser le poids des ans avec la même aisance que BRP sort un nouveau côte-à-côte tous les six mois. Son frère Jean-Luc est actionnaire et travaille dans l’entreprise Contant, tandis que sa sœur est agente de bord pour une compagnie aérienne.
Petit retour dans le temps, en 1938. Gaston Contant, le grand-père, s’installe boulevard des Mille-Îles à Laval pour vendre du bois, du grain, du charbon, faire du déneigement l’hiver, et même fabriquer des souffleuses à neige. Il décède en 1955 et sa femme continue l’affaire avec 55 employés, et 6 enfants à élever, dont Jean, le père de Chantal, et Gérard, son oncle. Ce sont déjà de fervents utilisateurs de motoneige et la petite Chantal est fière de se promener sur le Ski-Doo jaune, assise « sur la tank, pas de cas’» dans la cour arrière.
En 1970, le revendeur Ski-Doo basé à Terrebonne passe au feu, et il ne rouvre pas. Il y a un manque pour s’approvisionner en pièces sur la couronne nord de Montréal. Gérard et Jean contactent Bombardier et ils reçoivent l’autorisation de vendre des Ski-Doo!
C’est dans cet univers que grandit Chantal, avec plaisir. À dix ans, elle conduit la voiture familiale manuelle dans la cour, sous les yeux désespérés de sa maman qui aimerait des occupations plus féminines pour sa fille. Elle aide son père dans le garage, en passant les outils à son papa pour réparer la motoneige ou la moto Gold Wing personnelle. Il faut dire que c’est une façon de voir son père qui est très occupé avec les différentes activités.
Chantal fréquente le collège Montmorency à Laval et obtient un DEC en techniques administratives. Elle travaille chez Stokes pendant ses études, et elle s’inscrit à l’université. Loin d’elle l’idée de rejoindre l’entreprise familiale. Elle a vu toute sa jeunesse ses parents travailler de longues heures. Sa famille lui propose un emploi d’été comme adjointe administrative pour aider la contrôleuse, madame Marcil. C’est un coup de foudre professionnel pour l’étudiante, aussi bien envers la tâche à accomplir que la personnalité de madame Marcil qui lui apprend les bases du métier. Chantal délaisse les études et rentre dans l’entreprise en 1987. Elle complétera plus tard un Bac en gestion de ressources humaines, mais pour le moment, c’est parti pour l’univers grisant des véhicules de loisirs.
Elle s’achète sa propre motoneige et s’adonne aux randonnées hivernales, principalement dans les Laurentides, un peu les Monts Valins, car il faut rentrer travailler le lundi ! Elle apprécie la liberté que procure le Ski-Doo, et sa capacité à accéder à des paysages uniques que seule la motoneige peut atteindre (les quads Can-Am n’existent pas à l’époque).
Elle aime être en contact avec les personnes qui partagent sa passion, et elle n’hésite pas à aller vendre des accessoires, des véhicules, du financement, du service. Tous les postes sauf la mécanique. Sa mission principale reste le contrôle de gestion, elle aide à l’informatisation de la société au début des années 90. En 1997, madame Marcil tombe malade et doit quitter son poste. C’est Chantal qui accède à la fonction de contrôleuse, avec 10 ans d’expérience et une connaissance de tous les rouages de la société.
Elle s’évade toujours en motoneige et continuera assidument jusqu’en 2005, année de naissance de sa fille. Chantal aime l’intensité et l’action dans ses loisirs.
Si elle glisse dans une phrase : « Quand j’étais danseuse…» ne vous méprenez pas. Elle faisait de la danse aérobique ou des steps quatre fois par semaine. Elle a été professeure pendant trois ans.
Plus récemment, elle combine son amour de la nature et des grands espaces avec le sport. Elle aime le ski ou courir dans le bois, le «trail running». Dernièrement, elle a participé à la course Salomon et elle a accédé à la deuxième place.
En 1998, les quads font leur apparition sous le nom de Can-Am. C’est un tournant pour l’entreprise qui n’avait pas d’activité motorisée pour la saison estivale. Avant, des employés, dont les mécaniciens partaient pour l’été chez Monette Sports, un concessionnaire moto bien connu de Laval. L’entreprise peut maintenant garder ses employés à l’année, et diversifier son offre.
Certains se poseront la question: pourquoi Contant ne distribuait pas Sea-Doo dans ces années-là ? Voici enfin la raison : en 1988, quand Sea-Doo était sorti, Contant n’avait pas été satisfait par le produit et ils avaient décidé de ne pas le commercialiser. Il faudra attendre l’ouverture de la concession à Mirabel pour que les Sea-Doo soient à nouveau dans le catalogue Contant.
En 2008, c’est la réalisation d’un projet qui couvait depuis longtemps: la passation de l’entreprise à la troisième génération. Cela a nécessité plusieurs années et l’aide de consultants extérieurs pour finaliser le dossier. Le passage chez le notaire a été très émotif. La nouvelle présidente du conseil d’administration et directrice des opérations de la société n’avait jamais vu autant de papiers à signer. Il y avait une boite de mouchoirs en papier devant chaque signataire, car les nouveaux actionnaires majoritaires à parts égales étaient au nombre de huit, sans compter les parents.
Malgré la crise économique ambiante, les projets étaient au développement. Dès 2008, une concession était créée à Mirabel, au bord de l’A15. Le succès était immédiat, avec un vaste édifice moderne et de larges vitrines. Dans la foulée, en 2009, une autre concession s’établissait à Sainte-Agathe-des-Monts, avec une dynamique différente, mais très complémentaire, qui permettait de couvrir un large secteur sur la rive nord de Montréal. En deux ans, le nombre d’employés passait de 50 à 120 personnes. Cela nécessitait de nombreux ajustements.
En 2013, l’entreprise est conviée à se présenter au concours des médaillés de la relève, organisé par la Caisse des dépôts et HEC. Alors que Chantal n’attendait rien du dossier envoyé, pensant que leur «petite affaire» n’allait pas intéresser ces géants de l’économie québécoise, le groupe Contant obtenait la troisième place du prestigieux concours.
Cela fait partie des moments marquants dans la vie professionnelle de la directrice du groupe. Une reconnaissance qui ouvrait plusieurs portes. Des retombées médiatiques sur le magazine Les Affaires ou une vidéo professionnelle offerte. Cela permettait à Chantal d’intervenir dans le cadre des conférences HEC mentorat et d’obtenir le titre de Mentor de l’année, une belle récompense pour une personne ayant commencé sa vie professionnelle à 21 ans comme adjointe.
Un autre moment marquant a été la signature d’un partenariat financier renforcé avec la Banque Nationale. Une preuve de reconnaissance de la bonne gestion et des bons résultats du groupe Contant, troisième génération.
Naturellement, des moments marquants il y en a beaucoup, quand on découvre de nouveaux véhicules, souvent présentés aux concessionnaires dans des endroits de rêves.
Chantal Contant est heureuse de travailler dans ce secteur d’activité. « Notre mission, c’est d’apporter du fun aux gens, de leur permettre d’avoir leurs jouets d’adultes ». Mais elle rappelle que le travail est d’être présent, à l’écoute pour donner une belle expérience à l’acheteur. Contrairement à une voiture, un quad ou une motoneige ne sont pas des véhicules essentiels. Il faut savoir conseiller le client et répondre à ses attentes.
Chantal se rappelle un client d’un certain âge qui désirait acheter un quad très puissant, un Can-Am 1000 XT Outlander. Le représentant lui proposa un modèle moins fougueux, mais plus adapté à ses besoins. Notre pilote d’usine ne voulait rien savoir. Heureusement, à Laval, le client pouvait l’essayer sur une petite piste à côté du magasin. Il commença à cabrer le quad, puis il le versa sur le côté. Après une troisième cascade due à la puissance du moteur, il revint et écouta enfin le vendeur qui lui proposait un quad moins cher, mais plus adapté à ses réels besoins. « Un client bien conseillé, il revient ! ». Et Chantal en a vu revenir plusieurs en 33 ans d’entreprise.
La croissance ne s’est pas arrêtée là. En 2020, le groupe Contant est à la tête de 5 concessions et un magasin « vitrine » au centre de Montréal. Vaudreuil-Dorion est un pôle très orienté moto. Il présente les marques KTM, Kawasaki et Honda, en plus des produits BRP. La concession Riendeau Sport à St-Mathieu-de-Beloeil est également passée sous la bannière Contant, ce qui permet au groupe de mettre un pied sur la rive sud de Montréal et d’agrandir sa zone d’action.
« Le défi maintenant, c’est d’uniformiser l’excellence de l’accueil et l’expérience de vente dans chaque succursale. Chacune opère sous la direction d’un directeur général, qui a son style propre. Mais au final, le client doit ressortir satisfait, avec la même offre de tarif, et avec l’envie de nous donner 5 étoiles ».
Ce qui fait de Chantal Contant une bâtisseuse, c’est l’aide qu’apporte le Groupe, et ce depuis la deuxième génération, auprès de la communauté et auprès des clubs. Contant est toujours présent pour supporter les clubs, quads ou motoneiges avec des publicités sur les cartes touristiques, des cadeaux pour les réunions, ou en vendant des droits d’accès aux sentiers pour les clubs. Les informations techniques des clients, leurs suggestions sont souvent retransmises en direct aux concepteurs et ingénieurs de BRP à Valcourt.
Chantal Contant a bien voulu nous éclairer sur un chiffre qui est inconnu actuellement.
Dans les ventes de véhicules hors routes (hors moto) quelle est la part du quad et celle du côte-à-côte ? En unité, les VTT représentent 73% des ventes, et les VCC (côte-à-côte) prennent 27% des ventes. En chiffre d’affaires, les VCC sont plus onéreux et représentent un poids économique plus important que les quads. On s’en doutait, mais on a une donnée chiffrée maintenant.
Autre information encourageante, en avril 2020, pendant la pandémie, les ventes 2020 de VHR ont été supérieures à celles de 2019. Il y a un véritable engouement pour les VTT et les VCC.
Comme tous les bâtisseurs, Chantal Contant rappelle que rien ne se serait fait sans un esprit de groupe et le travail de chacun. Un moment crève-cœur a été de renvoyer à la maison 250 des 285 employés du groupe pour cause de Coronavirus. Certains sont là depuis trente ans ! Mais ce n’est que passager, la concession de Ste-Agathe-des-Monts a rouvert en premier, et les autres suivent.
Rien n’aurait pu se faire sans la confiance de Bombardier, devenue BRP, reconnait Chantal Contant. Elle va continuer à gérer ce groupe qui a quintuplé depuis la relève. Vous pourrez la voir derrière le comptoir pendant les Portes Ouvertes, un moment important de l’année prémotoneige, travaillant comme n’importe quel employé, pour être plus proche de ses clients.
« C’est le fun d’avoir une passion plutôt qu’un simple travail ! Comme disaient les parents, soyez heureux: vous auriez pu vendre des cercueils ! ».
Vous croiserez peut-être Chantal Contant sur un Spyder cet été, elle a hâte de rouler !