Autrefois, l’entretien hivernal des sentiers était une tâche plus simple. On prenait plaisir à parcourir de longs rubans blancs et uniformes, délicatement étendus à travers les paysages enneigés. Les pneus crissaient sur la neige cristallisée, soigneusement damée la nuit précédente. Ces surfaces étaient néanmoins fragiles : les couches de neige compactée étaient fines, et les surfaceurs, peu performants, peinaient à travailler en profondeur pour solidifier le tout. Mais depuis un quart de siècle, le monde du quad a connu d’importants bouleversements, compliquant considérablement la gestion et l’entretien des sentiers hivernaux pour les clubs de quad.
Les changements de fond dans l’environnement du quad
Nous avons déjà mentionné des problèmes qui affligent les clubs quads dans la gestion de leurs sentiers. Il y a l’éternel dossier du financement et des subventions gouvernementales qui piétine, les véhicules de plus en plus lourds dans les sentiers, sans oublier les changements climatiques qui sont de plus en plus présents.
Nous ne nous étendrons pas outre mesure sur le dossier du financement. Nous savons que la Fédération québécoise des clubs quad (FQCQ) fait des représentations aux différents paliers gouvernementaux pour bonifier des subsides qui n’ont pas été majorés depuis 20 ans. Il y a de belles lettres d’intention, mais l’action des gouvernements de majorer les octrois tarde.
Quant à la venue des côte-à-côte dans la flotte de véhicules hors route, ils représentent maintenant 50 % des véhicules qui détiennent des droits d’accès de la FQCQ. Ils sont là pour rester et les clubs composent avec. Mais la masse et les dimensions de ces véhicules apportent quand même des contraintes qui doivent être considérées dans l’équation du problème. La largeur permise de 66 pouces oblige à surfacer plus large pour permettre le croisement de deux de ces véhicules. Si le sentier est trop étroit, un des véhicules risque de tomber en bas de la surface damée et de rester enlisé. Donc, dans le cas du surfaçage par compaction, il faut donc surfacer avec un traineau le plus large possible, soit 3,75 mètres permis par la loi. Cela demande une bonne puissance motrice. L’autre option est de faire deux passes avec la machinerie.
Quant au poids, la dernière mouture de la Loi sur les véhicules hors route a fait passer la masse maximale en sentier de 750 kg à 950 kg pour les véhicules hors route de type autoquad. Même avec cette forte majoration, plusieurs modèles lourds proposés sur le marché dépassent la limite et mais peuvent techniquement circuler avec une vignette de sentier. Bref, la réalité des VHR pesants est plus présente que jamais.
Et les changements climatiques ?
En 2025, personne ne niera que les changements climatiques impactent les sports d’hiver au Québec. Que l’on parle de ski, de motoneige, de pêche sur glace, de patinoires extérieures ou de quad, l’univers des sports d’hiver est en profonde mutation.
La durée de la saison est grandement altérée dans sa durée. Les dates de début et de fin de saison sont très incertaines. Si cette tendance des dernières années se maintient, la motoneige fédérée verra probablement son membership fondre comme la neige lors d’un redoux parce que l’offre sera trop incertaine en durée et disponible en fonction des frais à consentir par l’usager. Ces frais comprennent bien sûr le prix de la passe de sentiers, mais également l’achat et l’entretien d’une motoneige qui peut atteindre plus de $20000 et servir quelques semaines par hiver. C’est un pensez-y bien. Est-ce qu’on peut appliquer cette même logique aux clubs de quad exclusivement d’hiver ? Oui et non. Il est vrai que l’ouverture d’un club d’hiver ressemble à celle d’un club de motoneige, mais le membre pourra utiliser son quad pour rouler partout au Québec, et ce, à l’année. En effet, les quads ont un avantage sur les motoneiges : ils sont munis de roues et la neige n’est pas essentielle à leur utilisation.
Les changements à venir dans la réalité des clubs quatre saisons.
Les clubs font leur entretien de sentiers de la même façon depuis des lunes, mais la réalité du terrain change tranquillement mais inéluctablement. Voici quelques faits qui changeront peut-être les choses :
La durée des saisons change
Avec l’hiver qui tarde de plus en plus à s’implanter, la saison des sentiers d’hiver raccourcit tandis que celle estivale rallonge. Il n’est pas rare de pouvoir rouler dans les sentiers d’été tard en décembre. Ce changement du climat fait que la date d’échéance annuelle ne concorde plus avec la fin réelle de la saison. Celui qui prend une carte d’été ne peut plus rouler à partir du premier novembre.
De plus, comme la saison d’hiver raccourcit et que l’été rallonge, le club quatre saisons peut se poser la question s’il est toujours pertinent d’investir autant d’argent pour l’hiver et de négliger les sentiers d’été.
Quel est le type de surfaceuse à privilégier ?
Pour faire suite au paragraphe suivant, le club quatre saisons soucieux de répartir ses ressources pour couvrir efficacement toute l’année. Le skidozer Piston-Bully est peut-être très attirant, mais est-il raisonnable de faire une dépense de cette ampleur qui servira un ou deux mois durant l’hiver ? On peut se poser la même question pour un tracteur agricole converti comme un Gilbert, qui fait que le tracteur ne peut servir qu’en hiver.
C’est pourquoi il devient judicieux de privilégier, en général, un tracteur agricole modifié avec un ensemble de chenilles lorsqu’on surface en compactant la neige. La modification est réversible, ainsi la machinerie pourra servir à l’année. Si le club enlève la neige avec une gratte ou un souffleur, alors il conservera ses roues et pourra être muni de chaînes pour augmenter la traction.
L’éternel dilemme : enlever la neige ou la compacter ?
La méthode choisie dépend de plusieurs facteurs : l’équipement de surfaçage disponible, l’emplacement dans lequel le sentier est situé, etc.
Tout d’abord, de nombreux sentiers traversent des champs agricoles, et la méthode de surfaçage par compaction de la neige reste largement utilisée. En effet, aucun agriculteur n’acceptera que la neige soit retirée de ses champs, au risque de voir le sol geler à une profondeur deux fois supérieure à celle protégée par une couche de neige. Donc, tant que les sentiers traverseront les champs, cette technique ne devrait pas disparaître de sitôt. Cependant, l’augmentation de la taille et de la puissance des quads a contraint les clubs à s’adapter aux nouvelles exigences en se dotant de surfaceuses plus puissantes et performantes afin de garantir la durabilité des sentiers. Également, cette méthode s’impose dans les champs et terrains découverts. Les tranchées formées par l’enlèvement de la neige sont particulièrement vulnérables aux moindres bourrasques. Le vent peut rapidement déplacer la neige et obstruer le sentier en moins de 30 minutes, ce qui est très fâcheux quand on se fait prendre en transit avec son quad.
La méthode de déblaiement à l’aide de grattes ou de souffleurs à neige s’avère être la solution idéale pour les routes et les chemins forestiers à l’abri des grands vents. Lorsque c’est possible, elle est de plus en plus utilisée parce que le sentier est plus durable et qu’il résiste davantage au passage des pneus. Ils conservent une fine couche de neige durcie au fond du sentier et déblayent le surplus à l’aide d’une souffleuse à neige ou d’une gratte tractée par une machine puissante. La profondeur des ornières est moindre parce que les roues touchent le terrain solide. L’autre avantage, c’est que la machinerie peut aussi être utilisée l’été. Par contre, l’enlèvement de la neige crée des tensions avec les clubs de motoneige lorsqu’il y a partage de sentier. Les motoneigistes, avec raison, n’apprécient pas quand un club quad sorte la neige du sentier partagé.
Bref, on se rend compte que la solution technique la plus fiable et logique, l’enlèvement de la neige, est tributaire de l’endroit où passe le sentier.
La localisation des sentiers à repenser ?
Comme abordé auparavant, la localisation physique des sentiers a une grande influence sur la méthode de surfaçage, mais le climat changeant fait aussi partie de l’équation. Les redoux fréquents en hiver sont aussi un aléa non négligeable au niveau de la sécurité et de la constance du service des sentiers. Il y a 10 ans, il y avait un redoux majeur par hiver. Ces dernières années, on en voit deux par mois, parfois plus. Les clubs doivent fermer les sentiers pour protéger la surface de roulement et prennent parfois quelques jours avant de réouvrir les sentiers. C’est harassant pour tout le monde.
Les redoux fréquents posent aussi un problème de sécurité, notamment sur la glace des plans d’eau gelés qui est fragilisée et dont les clubs doivent s’assurer qu’elle est sécuritaire avant de permettre d’y circuler. Il y a également les tourbières qui, une fois sa surface dégelée, ne supportent plus le passage fréquent des quads et encore moins de la machinerie. J’ai déjà vu une machine callée par-dessus les chenilles dans la terre noire d’une tourbière et c’est tout un casse-tête pour la récupérer.
Quant aux terres agricoles dégarnies de neige, les clubs devront attendre, en plus du retour du gel, une chute de neige suffisante avant de relancer la circulation des quads. Sinon, le club pourrait perdre son droit de passage par le propriétaire. Beaucoup de casse-tête pour des équipes de bénévoles qui opèrent les réseaux de sentiers.
Bref, selon la localisation du sentier et du type de surfaçage pratiqué, les clubs se mettent à risque pour assurer la disposition constante du réseau de sentiers.
Des changements sont inévitables
Sans tambour ni trompettes, les nouvelles réalités du terrain et du climat emmèneront les clubs à réévaluer leurs manières de faire et, si possible, adopter des méthodes d’entretien qui les rendront moins vulnérables avec les redoux de l’hiver.
Facile à dire, mais rien n’est simple dans le merveilleux monde du quad. Idéalement, les sentiers devraient être situés sur un chemin solide, en dehors des terres agricoles et des tourbières et à l’abri des vents. C’est une utopie de penser que l’on puisse n’avoir que ce type de sentier, surtout en zone urbanisée ou dans les campagnes cultivées. Les clubs ne passent pas dans une tourbière parce que c’est agréable, ni dans un champ agricole s’il y a un chemin à côté. Ils le font parce qu’ils n’ont pas le choix et continuent d’y compacter la neige également parce qu’ils y sont obligés, et parce que le climat leur permet encore de le faire, pour l’instant.
Qu’arrivera-t-il si la neige ne permet plus de rouler dans les champs, ou qu’une tourbière ne gèle pas assez durant l’hiver pour permettre d’y circuler sécuritairement ? Des relocalisations de sentiers ? Des tronçons problématiques retirés à contre-cœur du réseau, créant des bris de continuités entre les localités et les régions ? Est-ce que la technique de compaction de la neige disparaitra avec, justement, la neige abondante ? Ce sont toutes des possibilités qu’il est difficile de voir avec précision sans boule de cristal, l’avenir nous le dira. Et vous, qu’en pensez-vous ?