Encore une fois cette année j’ai eu le privilège de pouvoir faire le tour de la Gaspésie en quad à la mi-juin. Je faisais partie d’un groupe d’une vingtaine de quads et d’une trentaine de personnes dont les trois quarts étaient là lors des années antérieures. Cette randonnée dure sept jours et couvre une distance de 1400 kilomètres. Il est donc important que l’état mécanique des quads soit nickel avant de se lancer dans l’aventure.
Qu’est-ce qui attire tant les gens dans ce périple?
Qu’est-ce que qui fait qu’on revient année après année comme des pèlerins qui vont faire des dévotions à l’oratoire Saint-Joseph? Les raisons sont multiples et propres à chacun. En ce qui me concerne il y plusieurs raisons qui me ramènent sur le périple.
Tout d’abord, la camaraderie dans le groupe est ressourçante et on découvre les affinités entre les gens au fur et à mesure qu’on avance dans la randonnée. Ensuite, dès les trente premières minutes de conduite après le départ, on est ailleurs. C’est une des activités que j’ai pu faire dans ma vie qui se trouve parmi les plus efficaces pour s’évader l’esprit. Nos soucis s’envolent et notre univers se résume à l’environnement autour du véhicule : la nature, le sentier, les autres participants dans la randonnée, la météo, etc. Exit le maelstrom de stress de la vie quotidienne!
Enfin, si on est attentif à ce qui nous entoure, on cherche des raisons qui expliquent les différentes manifestations de la nature à mesure que l’on y pose nos roues. Pourquoi les eaux des rivières de la baie des Chaleurs sont si limpides? Qu’est-ce qui explique les différentes formations géologiques qu’on voit sur toute la péninsule? Pourquoi la terre est rouge à Percé et seulement à Percé?
Où s’adresser pour participer à un tour de la Gaspésie organisé en quad?
C’est une question qui est souvent posée par les lecteurs. La randonnée organisée dont il est question dans ce texte est de type privé. C’est-à-dire que les participants qui font partie d’un club quad de la FQCQ sont triés sur le volet par les organisateurs afin d’assurer la meilleure cohésion du groupe. Les nouveaux participants sont connus des anciens, qui cautionnent la compatibilité avec le groupe. Donc si personne ne vous connait parmi les anciens, il sera difficile de vous y greffer. Cela peut être frustrant, mais il faut comprendre que cette randonnée n’est pas à caractère lucratif. À cet effet, les organisateurs veulent garder l’harmonie du groupe et non gérer des conflits.
Or, il y a une demande pour les randonnées organisées en quad autour de la Gaspésie. Il y a une compagnie commerciale qui offrait ce service. Aventure Quad Gaspésie de Cap Chat n’a pas cessé complètement ses activités mais les a suspendues. Malheureusement, il n’y a pas d’autres compagnies qui offrent ce service.
Pour l’instant, les quadistes désireux de faire le tour de la Gaspésie devront donc le planifier par leurs propres moyens. L’application iQuad pourra aider pour trouver les itinéraires, mais l’hébergement est plus délicat pour quelqu’un qui ne connait pas la région. Peut-être que pour aider les quadistes désireux de faire le pèlerinage, les ATR devraient publier un parcours type de sept étapes pour dormir. Les établissements qui veulent accueillir les quadistes pourraient offrir des blocs de forfaits. Ainsi, le quadiste sait que l’escale sera agréable car il sera désiré par le milieu et non pas perçu comme une nuisance.
L’agréable sensation de commencer un périple de 1400 km
Lors du départ d’une telle randonnée, les premiers instants sont magiques. Dans notre esprit, on passe du mode anticipation qu’on a cajolé tout l’hiver en mode réalisation. Le groupe s’élance, les gens sont joyeux et notre univers se focalise sur le moment présent. Dès la première demi-heure, les préoccupations du quotidien se sont envolées, laissant place au plaisir de sentir le vent sur le visage et les odeurs agréables apaisantes de la forêt. On prend plaisir à rouler dans des sentiers étroits dont les branches caressent le véhicule au passage ou encore circuler sur un chemin plus découvert qui nous permet de contempler de superbes paysages.
En faisant le tour de la Gaspésie, nous allons circuler dans plusieurs environnements de paysages distincts. Tout d’abord, la Vallée de la Matapédia propose des panoramas majoritairement agricoles ou forestiers. Dans la baie des Chaleurs, nous pourrons voir la mer et sentir les effluves de l’air salin caresser nos narines. Sans compter rouler dans la terre rouge derrière Percé. C’est incroyable la magie du rocher Percé que l’on ne se lasse pas de contempler. Également, on peut apprécier la limpidité incroyable des rivières de la baie des Chaleurs, surtout celle de la Bonaventure.
Par la suite, on retournera au centre de la péninsule où on roulera dans les montagnes hautes, les forêts denses, près des rivières qui partent de la décharge d’un lac et qui grossiront au fur et à mesure que des ruisseaux confluents se joindront à elle.
Juste avant d’arriver près du fleuve à Rivière-Madeleine, nous passons sur l’ancienne emprise de chemin de fer coupée à même dans le roc. L’endroit peut sembler incongru pour faire passer un chemin de fer à flanc de montagne, mais l’industriel Charles W. Mullen l’a mis en place vers 1920 pour acheminer du bois à une usine de pulpe de papier. L’entreprise rencontra des difficultés financières et le train eut un accident en déboulant dans le ravin. Le conducteur du train y est décédé. Cependant, je reste admiratif des réalisations techniques qui se faisaient à cette époque avec des moyens limités en comparaison d’aujourd’hui. À voir les projets qui piétinent au Québec en 2024, on peut se demander où est l’audace et le génie de construire des Québécois?
On ressortira sur la côte nord de la Gaspésie où la fusion des montagnes et du fleuve est parfaite. À cet endroit, le sentier nous fait passer du niveau de la cime des montagnes jusqu’au bord du fleuve dans des panoramas à couper le souffle. Et on y ressent de grandes émotions dans l’émerveillement que suscite la nature!
La géologie de la Gaspésie
En roulant tout autour de la péninsule, on peut constater que la nature du sol change sous les pneus de notre véhicule selon le secteur où l’on circule. C’est frappant dans le secteur de Percé où la terre est rouge. C’est le seul endroit que l’on peut constater cela en Gaspésie. Ailleurs dans la baie des Chaleurs, la terre est également plus riche et tend à être vaseuse sous la pluie. Et en allant sur le coté nord, nous revenons sur un sol plus pauvre de schiste qui se détache en plaques. Ces morceaux de schiste sont coupants et sont des menaces pour les pneus des quads, surtout en roulant des sentiers abrupts dans les côtes. Il ne faut pas hésiter à utiliser le mode à quatre roues motricespour limiter autant que possible le patinage des pneus.
Sans vouloir m’identifier comme un expert en pédologie (NDA : l’étude scientifique des sols), une recherche succincte sur les formations géologiques nous apprendra des choses très intéressantes. Tout d’abord, il faut comprendre que l’échelle du temps pour la formation géologique d’un territoire est tectonique. C’est-à-dire qu’il avance à la même vitesse que les plaques de la croute terrestre. La formation de la Gaspésie s’est faite par la compression du roc qui glisse sur la faille de Logan.
La première phase de la formation des Appalaches (en brun sur la coupe ci-dessus) est composée de roches sédimentaires et volcaniques datant entre 540 et 480 millions d’années. Ces roches sont fortement plissées et fracturées et composées d’anciens dépôts issus d’un bassin océanique. La deuxième phase (en vert) date d’environ 440 millions d’années et est superposée de manière angulaire au groupe précédent. Elle est composée de roches sédimentaires et volcaniques moins déformées que les roches plus anciennes (en brun). Enfin, la troisième phase donne les roches rouges de Percé, des roches sédimentaires peu déformées datant du Carbonifère (300 millions d’années), déposées dans un environnement terrestre. Le sens du dépôt n’est pas le même que celui des deux premières phases. Ces couches représentent des dépôts issus de l’érosion de la chaîne de montagnes, soit du grès, une roche sédimentaire formée de grains de sable solidifiés et de particules de fer qui ont subi une oxydation en présence d’oxygène. Cette formation est présente seulement au sud de la Gaspésie, aux Iles-de-la-Madeleine et à l’Ile-du-Prince-Édouard et est classée patrimoine mondial par l’UNESCO.
Le sentiment d’accomplissement à la fin du périple
Avoir roulé sept jours et 1400 kilomètres avec un groupe d’une trentaine de personnes est une activité très agréable. Nous avons développé des amitiés qu’il nous fera plaisir de revoir dans un prochain tour de la Gaspésie ou ailleurs dans les sentiers. Évidemment, il arrive des anecdotes, des bris de véhicules qui ont éprouvé le propriétaire sur le coup, mais dont on se remémorera en riant plus tard.
L’environnement de la Gaspésie est quelque chose de magique, parce qu’on peut encore sentir et voir le côté sauvage de la nature. Peu de régions offrent ce combo de paysages terre-et-mer qui nous garde en émerveillement. C’est une richesse dont les associations des MRC de la Gaspésie ont pris conscience, car elles ont mis sur pied un programme de revitalisation des infrastructures de VHR doté d’un budget de 10 millions de dollars…
Enfin, notre groupe de randonneurs a laissé dans le milieu gaspésien environ 70 000 $ en sept jours. Contrairement à ce qui est affirmé dans un autre média quad, les quadistes ne sont plus des « mangeux de sandwiches », mais des touristes à part entière qui viennent visiter une région.